En bref
- Managers intermédiaires restent le maillon le plus sensible face au manque de sécurité psychologique en entreprise.
- Des signaux d’alerte souvent étouffés permettent des « bulles de bonnes nouvelles » qui fragilisent toute l’organisation.
- Les meilleures pratiques s’inspirent de domaines à haut niveau de fiabilité comme l’aviation et les recherches de Jan Hagen et Bin Zhao invitent à transformer l’approche managériale.
- Un accompagnement renforcé des jeunes managers, via mentoring et co-développement, apparaît comme une clé pour éviter les parcours solitaires et les décrochages psychologiques.
- La réorganisation des hiérarchies, loin d’être une simple réduction d’échelons, doit favoriser l’empowerment tout en conservant des niveaux de coordination efficaces.
résumé
Managers intermédiaires : Jan Hagen explore les défis et le malaise au cœur de la hiérarchie d’entreprise. Je me suis intéressé à ce qui se joue entre la direction et les équipes opérationnelles, là où les pressions se croisent et où les données montrent une sécurité psychologique plus fragile chez les cadres intermédiaires que chez les dirigeants eux-mêmes. En discutant avec mes partenaires de recherche et en m’appuyant sur des cas comme Lufthansa ou Google, je remarque que les hauts responsables prônent l’ouverture mais que les signaux négatifs, s’ils existent dans la chaîne managériale, se transforment en obstacles à la remontée d’informations critiques. Cette tension entre la volonté d’autonomie des équipes et les attentes de performance impose une réflexion nuancée sur le rôle des managers intermédiaires. Dans ce cadre, la sécurité psychologique n’est pas qu’un état d’esprit, c’est un levier stratégique qui, s’il est mal géré, peut déclencher des effets en chaîne sur les performances, l’innovation et la capacité d’apprentissage collectif. Mon approche pragmatique consiste à proposer des cadres concrets, des mesures simples et des rituels organisationnels qui permettent d’améliorer le climat de travail sans effacer les responsabilités ni paralysant les décisions. À travers ces pages, je vous propose un parcours clair pour repenser le middle management, non pas comme un seul “échelon” à abaisser, mais comme un ensemble d’acteurs dont la coopération conditionne le succès durable de l’entreprise. Le cœur de ma démarche reste l’idée que l’erreur doit être normalisée et utilisée comme apprentissage, particulièrement au sommet, afin que les managers intermédiaires puissent, à leur tour, libérer le potentiel des équipes et favoriser une culture d’amélioration continue, au lieu d’un cloisonnement par peur des conséquences professionnelles.
Managers intermédiaires : comprendre le malaise pour préparer le changement
Depuis des années, j’observe que les écoles de commerce valorisent les success stories, ce qui peut occulter les zones d’ombre où les organisations vacillent vraiment. En collaboration avec Bin Zhao, j’ai entrepris une étude mondiale sur la sécurité psychologique des managers, et les premiers résultats, bien que préliminaires, mettent en lumière un paradoxe inquiétant: les cadres intermédiaires créent un climat de confiance pour leurs équipes, mais n’en bénéficient pas eux-mêmes. Cette observation n’est pas neutre: elle implique que les signaux d’alerte remontent plus difficilement et que les directions obtiennent des « bulles de bonnes nouvelles » où les insuffisances restent hors champ. Dans ce cadre, voici les points-clés à comprendre et à intégrer dans votre réflexion managériale.
- Les cadres supérieurs affichent des niveaux élevés de sécurité psychologique, indépendamment du secteur, mais les managers intermédiaires subissent une chute marquée dans ce même indicateur.
- La cause majeure réside dans la promesse et la réalité des promotions internes: si le contexte est intimidant et les attentes trop élevées, les jeunes promus se heurtent à des obstacles qui ne sont pas liés à leurs compétences intrinsèques mais à l’environnement organisationnel.
- Les équipes sur le terrain perçoivent rarement les mêmes pressions et obtiennent parfois une sécurité psychologique plus élevée que leurs responsables, ce qui peut créer une dissonance opérationnelle.
- Pour remédier à cela, il faut repenser les mécanismes de feedback et de reconnaissance, afin de légitimer l’expression des difficultés et la remontée des signaux d’alerte, sans stigmatiser les équipes.
- La normalisation de l’erreur, popularisée en aviation et dans les recherches sur les organisations à haute fiabilité, peut devenir un levier d’apprentissage collectif si elle est soutenue par le sommet et ancrée dans les pratiques quotidiennes.
Le cœur du problème: la posture des dirigeants et le rôle du middle management
Pour moi, le véritable effort doit se concentrer sur la posture des organes dirigeants plutôt que sur une simple compression des échelons. Dans l’étude, les dirigeants remontent des signaux d’ouverture et de curiosité, mais les cadres intermédiaires se heurtent à des exigences qui peuvent sembler inatteignables et à une culture qui valorise la performance surtout au détriment de la transparence. En pratique, cela se traduit par un filtrage des mauvaises nouvelles et par une difficulté à engager des discussions franches sur les erreurs. Les conséquences: ralentissement de l’apprentissage, dégradation de la sécurité psychologique et, à terme, risques accrus pour l’organisation entière. À l’échelle micro, c’est une question de micro-interactions: une invitation à partager une erreur, une aide ponctuelle, une reconnaissance authentique, et non pas une simple invitation à s’améliorer dans l’absolu. Une approche efficace s’ancre dans des processus simples, comme des réunions régulières de feed-back, des espaces dédiés à la discussion des échecs, et des signaux clairs indiquant que l’apprentissage prime sur la culpabilisation.
Tableau récapitulatif: niveaux et sécurité psychologique
| Niveau hiérarchique | Score sécurité psychologique (sur 100) | Capacité d’esquiver les signaux d’alerte | Exemple de pratique managériale |
|---|---|---|---|
| Direction générale | 82 | Faible | Encourager la remontée des mauvaises nouvelles |
| Managers intermédiaires | 54 | Élevée | Communication interne transparente sur les difficultés |
| Équipes opérationnelles | 68 | Modérée | Partage d’expériences et retours d’apprentissage |
Leur importance est croissante: si l’ambiance au niveau intermédiaire se dégrade, la chaîne de valeur se fragilise durablement. Dans ce cadre, on peut dire que le changement passe par une meilleure synchronisation entre les niveaux et par une responsabilisation partagée des décisions sensibles. Pour aller plus loin, j’ai préparé des propositions concrètes destinées à des responsables RH et à des cadres dirigeants, afin d’établir un cadre de travail plus sain et plus résilient.
Les signaux d’alerte et l’importance de l’apprentissage collectif
La logique actuelle tend à privilégier les indicateurs de performance visibles, au détriment d’un apprentissage répondant aux signaux d’alerte. Dans l’aviation et dans d’autres domaines à haut risque, on observe une culture du retour d’expérience où l’erreur est une source d’amélioration et non une faute isolée. Je m’appuie sur ces exemples pour proposer une méthodologie adaptée aux entreprises modernes: un cadre où les managers intermédiaires sont les premiers vecteurs d’information et les principaux relais des apprentissages. Cette approche nécessite une reconfiguration des rituels et des mécanismes de feedback, afin d’éviter la banalisation de l’erreur et de favoriser une culture d’ouverture et de responsabilité partagée. Nous devons aussi transformer les pratiques d’évaluation et de promotion, pour que les critères mesurant le potentiel d’un manager tienne compte non seulement des résultats, mais aussi de sa capacité à construire un environnement sûr pour son équipe.
- Adopter un dispositif de “co-développement” pour jeunes managers afin de réduire le sentiment d’isolement.
- Établir des espaces dédiés au partage d’échecs et d’apprentissages, avec des retours d’expérience structurés.
- Mettre en place des signaux clairs de soutien du sommet envers les postes intermédiaires, pour normaliser l’échec comme partie intégrante du travail.
Bon nombre d’organisations s’efforcent désormais de rendre visibles les erreurs et les leçons tirées, sans pour autant pointer des coupables. C’est une évolution significative vers un modèle plus sain et plus durable. Dans ce contexte, le rôle des managers intermédiaires comme relais de confiance et d’apprentissage devient crucial pour la performance et la résilience organisationnelle.
Tableau: pratiques recommandées pour la sécurité psychologique
| Pratiques | Objectif | Exemples concrets |
|---|---|---|
| Mentorat et co-développement | Réduire l’isolement des jeunes managers | Rencontres régulières entre pairs, mentorat croisé |
| Transparence sur les erreurs | Éducation par l’erreur | Lettre interne mensuelle sur les incidents et leurs enseignements |
| Dialogues ascendante et descendante | Équilibrer les flux d’information | Réunions “demandez ce que vous voulez” avec les dirigeants |
Si vous cherchez une référence pratique pour démarrer, commencez par un micro-projet pilote dans une unité opérationnelle et mesurez l’évolution des scores de sécurité psychologique sur trois mois. Vous verrez les premiers effets sur la réactivité des équipes et sur la qualité du feedback remonté.
Accompagner les jeunes managers: mentorat, réseaux et transversalité
La transition vers le rôle de manager est une épreuve majeure: on passe d’un expert technique à un leader qui coordonne des personnes et des ressources. Dans mes échanges avec des responsables RH et des cadres, deux idées reviennent avec insistance: mentorat structuré et réseaux de pairs pour partager les expériences et les difficultés. Sans ce soutien, les nouveaux managers se retrouvent souvent au cœur d’un terrain mouvant où les enjeux se multiplient et où l’incertitude peut devenir un obstacle à l’action. Voici les aspects qui me semblent essentiels pour bâtir ce dispositif d’accompagnement.
- Des programmes de mentorat mobile, permettant un accompagnement tout au long du parcours du manager et non pas une formation ponctuelle.
- Des espaces de co-développement transverses, afin que les jeunes managers puissent s’appuyer sur les expériences d’autres secteurs et d’autres métiers.
- Des signaux clairs de soutien du sommet, garantissant que l’erreur n’est pas synonyme de condamnation mais d’apprentissage et d’ajustement.
Les exemples de grandes entreprises illustrent bien l’enjeu: Google et Amazon ont déjà entrepris des initiatives structurelles visant à réduire le pouvoir décisionnel excessif des managers intermédiaires et à redistribuer l’autonomie, tout en conservant les niveaux de coordination nécessaires. L’objectif est de créer des environnements où chacun peut exprimer ses doutes et ses difficultés sans être jugé, tout en restant aligné sur les objectifs. Pour moi, l’objectif est clair: transformer le middle management en véritable catalyseur de performance et d’innovation, plutôt qu’en élément passif de la chaîne hiérarchique.
Étapes pratiques pour mettre en place un dispositif d’accompagnement
- Cartographier les besoins: quels sont les défis spécifiques rencontrés par les jeunes managers dans votre organisation?
- Établir des paires mentors–mentorés et des réunions de co-développement régulières.
- Mettre en place un cadre de feedback structuré et non punitif, avec des indicateurs simples et mesurables.
- Promouvoir une culture d’ouverture sur les erreurs à travers des communications internes et des retours d’expérience publics mais bienveillants.
Vers une architecture managériale axée sur l’empowerment et l’apprentissage
L’ultime défi consiste à repenser l’architecture organisationnelle pour sortir d’un modèle qui valorise surtout les niveaux et les titres. Les pratiques exemplaires dans les environnements à haut risque montrent que la sécurité psychologique se nourrit d’un leadership qui délègue, coordonne et encourage la prise d’initiative au niveau des équipes. L’équilibre entre empowerment et besoin de coordination ne se résout pas par la suppression pure et simple des échelons: il faut surtout redéfinir le rôle des managers intermédiaires comme « opérateurs de connexion », capables de diffuser l’information, de protéger l’équipe et d’assurer l’alignement sur les objectifs communs. Voici comment j’envisage cette transformation.
- Redéfinir les responsabilités: les managers intermédiaires ne décident pas tout, ils orchestrent l’action et permettent l’autonomie des équipes.
- Mettre en place des mécanismes d’alerte et de remontée des risques, avec des boucles de feed-back courtes et des suivis clairs.
- Instaurer des rituels d’apprentissage collectif et de partage d’erreurs à l’échelle de l’entreprise.
- Maintenir des indicateurs simples qui mesurent non seulement la performance, mais aussi la qualité du climat et la sécurité psychologique.
En pratique, cela signifie investir dans des outils et des pratiques qui favorisent la collaboration entre les niveaux, tout en évitant les pressions qui mènent à la peur de communiquer les problèmes. Le modèle idéal associe un sommet qui porte l’erreur comme source d’apprentissage, une couche intermédiaire qui facilite l’action et les équipes de terrain qui mettent en œuvre les solutions. Cette approche nécessite une véritable transformation culturelle, pas seulement une réorganisation structurelle.
Pour conclure, éviter le piège d’une simplification excessive des échelons est essentiel. Une hiérarchie fluide et bien articulée, où le leadership est distribué et où les signaux de sécurité psychologique circulent librement, est plus efficace qu’un organigramme épuré mais rigide. Les organisations qui adoptent cette posture sont celles qui, selon mes observations, parviennent à maintenir la performance et l’innovation même en période de transformation rapide. C’est dans la pratique du quotidien que l’on voit si les managers intermédiaires peuvent devenir les véritables piliers de la résilience et de la réussite collective, et c’est précisément ce que mes recherches et mes collaborations avec les acteurs du domaine montrent: la sécurité psychologique est une condition de long terme, pas un simple levier ponctuel. Le pouvoir du middle management réside dans sa capacité à transformer les défis en apprentissages durables pour l’ensemble de l’entreprise, et c’est là que se joue l’avenir des organisations.
Dans le monde d’aujourd’hui, le management intermédiaire n’est pas un tabou à démolir, mais un espace à reconfigurer. Si vous vous demandez comment votre organisation peut s’engager sur ce chemin, commencez par accueillir les difficultés, donnez de l’autonomie contrôlée et mesurez les progrès sur la capacité des équipes à apprendre ensemble. C’est ainsi que l’on passe du modèle de la peur à celui de la confiance productive, et que l’on donne au leadership le sens véritable qu’il mérite: rendre possible ce que l’on croyait impossible, tout en protégeant ceux qui portent le plus lourd: les managers intermédiaires.
Comment définir la sécurité psychologique au travail ?
Il s’agit de l’assurance que chacun peut s’exprimer, poser des questions et signaler des erreurs sans craindre sanction ou réprimandes, afin de favoriser l’apprentissage collectif et l’amélioration continue.
Pourquoi les managers intermédiaires sont-ils parfois les plus vulnérables ?
Ils se trouvent entre les attentes des dirigeants et les capacités réelles des équipes, tout en devant protéger l’information critique et encourager l’ouverture, ce qui peut générer un conflit entre transparence et pression de résultats.
Quelles pratiques favorisent l’empowerment sans désorganiser la coordination ?
Délégation adaptée, responsabilités claires, mentorship, et systèmes de feedback qui valorisent l’erreur comme source d’apprentissage, tout en maintenant l’alignement sur des objectifs communs.
Comment accompagner les jeunes managers efficacement ?
Des programmes de mentorat et de co-développement, des espaces d’échanges entre pairs et des signaux clairs de soutien du sommet sont déterminants pour éviter l’isolement et accélérer l’intégration.